Échange entre un internaute et le collectif
Internaute :
Sachant que le budget du SMTC se décompose en trois partis :
– le versement transport qui est déjà au maximum ( contrairement à ce que semble indiquer votre page internet qui dit « Diverses solutions peuvent être trouvées pour le financement, comme par exemple passer la taxe transports de 2% à 3% » ) et dont la perception ne concerne que les entreprises de plus de 11 salariés depuis le premier janvier 2017 ( contre plus de 9 avant cette date, ce qui a fait perdre quelques millions au budget du SMTC ), et qui risque d’être encore amputé avec la loi Notre ( les entreprise passant au dessus de la barre des 11 salariés n’y seraient soumises qu’au bout de 5 ans )
– les impôts ( que le gouvernement impose de ne pas augmenter de plus de 1,2% par an )
– la réduction importante du budget du SMTC , qui impliquerait une réduction toute aussi importante du réseau et des horaires
Comment comptez vous instaurer cette gratuité sans léser les voyageurs-usagers?
Le Collectif :
Nous vous remercions de votre courrier et ainsi de participer au débat sur la gratuité des transports publics.
Vos remarques sur le financement des transports sont tout à fait justes et font partie des remarques fréquentes que nous entendons lors de nos distributions de tracts ou que nous recevons à notre adresse mail. En effet, la question de la gratuité d’un service n’en supprime pas le coût et entraine la question de son financement. Mais entrer dans la sujet par le côté financement c’est court-circuiter toute la logique de la thématique dont la gratuité se veut être la réponse.
Vous vous inquiétez à juste titre de la capacité du SMTC à pouvoir financer les investissements et le fonctionnement de la SEMITAG mais aujourd’hui c’est les baisses conjointes des subventions venant du Conseil départemental et de la Métropole qui sapent cette capacité.
Pour notre Collectif il y a urgence à s’attaquer d’une manière frontale :
- à la pollution endémique de notre agglomération ; les études sur les conséquences en matière de santé publique de la pollution de l’air font état d’un grand nombre de décès causés par celle-ci.
- au réchauffement climatique ; les rapports du GIEC sont de plus en plus alarmants.
- aux problèmes de circulation et à l’accidentologie liés à l’intensité du trafic routier ; l’agglomération grenobloise est l’une des plus embouteillées de France.
- à la question sociale ; un nombre important de nos concitoyens ont du mal à se déplacer, faute de moyens. Le mouvement actuel des gilets jaunes en témoigne, mais aussi la cour des comptes qui constate une augmentation continue de la fraude depuis 2008, la principale raison étant les difficultés financières des ménages.
Si la gratuité ne peut résoudre à elle seule tous ces problèmes, elle peut y contribuer efficacement à condition que les usagers bénéficient d’un service de qualité en termes de maillage, d’horaires et de fréquences, accessible à tous afin que le report modal puisse se faire. Donc tout le contraire d’un service au rabais.
Pour connaître les détails de notre argumentation nous vous invitons à consulter notre Mémento disponible en téléchargement sur notre site internet.
https://www.gratuite-transports-publics.ouvaton.org/documentation/memento/
Au-delà de ce qui vient d’être dit, la question de la gratuité est un choix politique dont l’objectif est de soustraire une activité de la sphère marchande pour en faire une activité de service public gratuit répondant à un besoin social. Cette liberté d’accès aux services publics doit évidemment faire l’objet de débats pour en déterminer les contours et comment elle doit être financée.
Pour le financement vous notez que le taux du versement transport est déjà au maximum. Mais ce maximum n’est pas gravé dans le marbre et peut être modifié par le Parlement comme il l’a fait récemment pour la région Île de France en passant le taux VT à 2,95 %. La Métro et plusieurs communes de l’agglomération ont voté des délibérations allant dans ce sens.
C’est légitime car la métropolisation provoque des centaines de milliers de déplacements quotidiens et est la cause dans une large mesure de la congestion actuelle. La métropolisation étant une organisation du territoire au service de l’activité économique, notamment les grands groupes industriels et financiers, il est logique de recourir au versement transport pour financer la gratuité des transports publics.
Par ailleurs dans le cadre de la procédure engagée par l’Europe contre la France pour non-respect des seuils de pollution dans plusieurs zones dont Grenoble, l’État devrait être mis à contribution.
Le taux de TVA devrait être ramené au taux minimum voire être supprimé et il n’est pas dit que la loi Macron ne puisse pas être révisée. Sans oublier le retour des subventions des collectivités locales au niveau où elles étaient en 2014. Voilà quelques pistes qui permettraient le financement du développement et de la gratuité des transports en commun.
Internaute :
Avez vous noté que je vous ai écrit « ..dont la perception ne concerne que les entreprises de plus de 11 salariés depuis le premier janvier 2017 (contre plus de 9 avant cette date, ce qui a fait perdre quelques millions au budget du SMTC ), et qui risque d’être encore amputé avec la loi Notre ( les entreprise passant au dessus de la barre des 11 salariés n’y seraient soumises qu’au bout de 5 ans )« , ce qui veut dire que le gouvernement prend des mesures opposées à celle que vous proposez? D’ailleurs, avez vous exprimé votre désapprobation à ce sujet? êtes vous seulement au courant de ces dispositions?
Je doute fort que la TVA baisse pour les transports, le gouvernement ayant pour objectif de baisser le déficit de l’État,. Quant aux subventions que celui ci donne aux collectivités locales, je suis prêt à parier qu’elles baisseront encore ; par exemple, la commune de Pont de Claix, où j’habite, non seulement ne reçoit plus d’argent de l’état, mais doit verser à celui ci de l’argent ( et Pont de Claix est loin d’être une ville « riche » )
Le Collectif :
Nous savons que le seuil d’éligibilité a été porté de 9 salariés et plus à 11 salariés et plus dans la loi de finance 2016; une loi d’un certain Macron alors ministre de l’économie. Nous nous sommes bien sûr exprimés sur ce coup porté aux finances des transports publics d’ailleurs comme les élus en charge des transports. Il en est de même du taux de TVA qui a été porté à 10 % en 2015 également sous Hollande.
De manière générale, la politique de ce gouvernement est libérale et austéritaire, et il ne mène pas une politique favorable aux transports publics, encore moins à la gratuité. Il suffit de voir sa politique vis à vis du rail (casse du service public, suppression de lignes, lignes ouibus, fret, …). Il poursuit en l’aggravant les politiques des gouvernements précédents. Faut-il pour autant s’y résigner ? Non, notre constat demeure : il y a une urgence sanitaire, écologique et sociale. Face à la catastrophe qui s’annonce, il n’est pas possible de se contenter de demi-mesures. Un réseau de transports publics gratuits et de qualité est un des moyens d’y répondre.
La question politique est qui doit payer. Comme nous vous l’avons écrit, il nous semble légitime que ce soient les entreprises, car pour une large part l’organisation du territoire et des transports est là pour répondre à l’activité économique.
Nous sommes conscients qu’augmenter la contribution des entreprises va à contre-courant des politiques menées jusqu’à présent, et aggravées par le pouvoir actuel. Macron comme ses prédécesseurs est un adepte de l’idéologie libérale dont l’objectif est de réduire l’intervention de l’État à son strict minimum sauf pour ses fonctions régaliennes (armée, justice, police). L’application de cette politique consiste à réduire l’imposition sur les entreprises et les plus riches pour aller vers la « flat tax » tout en faisant supporter le budget de l’État par les impositions indirectes. Parallèlement on mène campagne contre le niveau trop élevé des prélèvements obligatoires tout en disant que les caisses sont vides. C’est la théorie du ruissellement qui ne se vérifie nulle part. Les conséquences nous les voyons tous les jours : services publics en panne, hôpitaux en souffrance, chômage de masse, désindustrialisation, pouvoir d’achat en berne. De notre côté nous pensons qu’une alternative est possible. Le montant record des dividendes versés aux actionnaires depuis des années nous autorise à penser qu’il est possible de prélever plus sur les bénéfices engrangés pour financer une politique ambitieuse sur le plan social, environnemental et sanitaire.
Comme vous le savez peut-être, près de 30 villes en France, Dunkerque étant la plus récente et la plus importante, sont passées à la gratuité. D’autres villes l’envisagent. La gratuité des transports publics est une idée qui progresse, c’est un encouragement important pour toutes celles et tous ceux qui agissent en ce sens.
j’ai lu avec attention vos commentaires
je crois qu’il ne faut pas raisonner uniquement sur le budget du SMTC, comme le fait le Président actuel, mais bien décloisonner les budgets: s’il y a moins de voitures avec la gratuité, il y aura moins d’accidents, moins de malades dus à la pollution automobile et donc il faut réutiliser la baisse des budgets santé pour les réinjecter dans le financement des TC, voilà une proposition indolore si on décloisonne les budgets
par ailleurs, il semblerait que l’usage du vélo engendre une diminution assez considérable, de l’ordre de 5 Mds/an en France des dépenses de santé: voilà encore une piste pour le financement des TC
et pour finir, on peut aussi diminuer le coût d’investissement et de fonctionnement du tram en passant par le câble urbain (téléphérique) qui est 4 fois moins cher que le tram, autrement dit lorsqu’on a un budget pour faire 1km de tram, on peut avec la même somme faire 4km!
Je préfèrerais financer la gratuité par l’impot, plutôt que par les entreprises, car cela éviterait que le débat sur la gratuité, déjà très complexe, soit élargi au débat sur la fiscalité des entreprises.
En finançant par l’impot, on assume le point de vue « la gratuité est un choix de société », et on la finance par l’impot comme l’éducation ou la police.
Du point du vue du comité « pour la gratuité », le mieux serait de laisser ouverte la question du financement en disant que plusieurs pistes sont possibles. Par exemple, on pourrait aussi financer via le rétablissement de l’impot sur la fortune, via l’augmentation des droits de succession, via une taxe sur les transactions financières etc.