Eric Piolle pour une ZFE imaginaire

      3 commentaires sur Eric Piolle pour une ZFE imaginaire

Le media de débat en ligne « Le Drenche » a publié un article « Faut-il développer les ZFE ? » (Zones à Faible Émission) en demandant leur avis au Maire de Grenoble, Eric Piolle, et à notre Collectif CGTPAG. A noter que les lecteurs peuvent voter pour l’une ou l’autre contribution et laisser des commentaires.

Voici les deux textes suivis de notre analyse

POUR

Eric Piolle, Maire de Grenoble

Un des outils permettant d’améliorer réellement la qualité de l’air dans les grandes villes

Les Zones à Faible Emission, ou ZFE, sont l’un des outils permettant d’améliorer réellement la qualité de l’air dans les grandes villes. L’interdiction du diesel permet un gain important pour la santé et l’espérance de vie, et pour agir efficacement sur les émissions de CO2 et le climat, il faut également sortir de l’essence à moyen terme.
La pollution de l’air, c’est un mort par jour dans le bassin grenoblois, ce sont des centaines de maladies respiratoires et cardiovasculaires. La pollution de l’air tue, et nous savons comment y pallier. A Grenoble, l’étude Mobil’Air menée par des chercheurs grenoblois montre qu’en réduisant d’un tiers les kilomètres parcourus par les véhicules polluants, en développant massivement le vélo et en éradiquant les dispositifs de chauffage au bois non-performants il est possible de réduire de 2/3 la mortalité liée à la pollution. Des mesures ambitieuses sont donc prises ici pour remplacer les appareils de chauffage avec un reste à charge 0 pour les moins aisés. Grenoble, capitale du vélo, développe le cycle, que ce soit par la création de voies cyclables sécurisées pour toutes et tous, par des cours de « vélo-école » pour les écolier-es et pour les adultes, ou encore un service de location de vélo public solidaire et simple d’accès. Pour les transports nous portons auprès de la Métropole l’extension des transports en commun, de leurs horaires, une tarification sociale et solidaire, ainsi que des gratuités le week-end pour commencer.
On entend parfois que les ZFE seraient défavorables pour les moins aisé-es. Or les populations les moins aisées sont d’une part bien moins dotées en automobiles que les autres, et surtout elles sont les premières victimes de la pollution de l’air, habitant près des axes routiers dans des logements souvent mal isolés. Une ZFE juste doit être couplée avec un réseau de transport en commun socialement accessible, tram, bus, RER métropolitain, et des aides en faveur des mobilités douces du vélo et de l’autopartage. Sans oublier évidemment des aides ciblées sur les moins aisé-es ne pouvant pas se passer de leur voiture individuelle afin qu’ils puissent changer de motorisation ou de véhicule.
A Grenoble, nous sommes volontaires, et pressés : le réchauffement climatique ici est deux fois plus rapide que dans le reste du pays. Toutefois nous sommes aussi inquiets, car si nous étions précurseurs avec une des premières ZFE du pays et la plus grande en 2018, des blocages politiques sont de plus en plus pesants, et nous empêchent d’avancer pour mettre en place une « vraie » ZFE. Une ZFE pour toutes et tous, et pas seulement les professionnel-les, avec un calendrier ambitieux et des politiques de transports en commun et d’aménagement permettant à chacun-e de se déplacer dans la ville et aux alentours facilement et à moindre coût. Cette ambition doit être portée dans toutes les grandes villes afin de sortir d’une vision qui hisse la voiture individuelle comme idéal et changer notre modèle de société, pour notre santé à toutes et tous.
Enfin il faut se pencher dès à présent sur la suite du travail et notamment préciser le critère climat. Les voitures les plus lourdes notamment les SUV sont aujourd’hui les plus émettrices de C02 (et accidentogènes). Leur vente est exponentielle, 40% des véhicules neufs aujourd’hui, ruinant les efforts faits par ailleurs pour limiter les émissions du secteur automobile. L’interdiction de la publicité sur ces véhicules ainsi que la création d’un malus pour leur achat étaient par ailleurs une proposition importante de la Convention Citoyenne Climat, en grande partie détricotée par le gouvernement. Les collectivités doivent aussi avoir les moyens d’agir et être accompagnées pour limiter au maximum ce phénomène et inciter à des voitures plus petites et donc moins lourdes, et bien sûr partagées et mutualisées au maximum !

CONTRE

Collectif pour la Gratuité des Transports dans l’Agglomération Grenobloise (CGTPAG)

Contre la pollution, pour le climat, la ZFE est une mauvaise idée

Oui, il y a un énorme problème de pollution.
La pollution aux particules fines est responsable de dizaines de milliers de morts prématurées en France, la pollution par le CO2 contribue au réchauffement climatique. Les transports sont la première cause de pollution.
La loi Climat (22 août 2021) met en place des ZFE (zones à faible émissions) qui vont interdire la circulation des véhicules classés comme étant les plus polluants. Les véhicules Crit’Air 5 seront interdits en 2023, Crit’Air 4 en 2024 et les Crit’Air 3 en 2025. Cela représente 40 % du parc automobile à remplacer d’ici 2025. C’est un gigantesque plan de mise à la casse de voitures, un énorme gâchis injuste socialement et écologiquement inefficace.

La ZFE est écologiquement inefficace
Les vignettes Crit’Air ne tiennent pas compte de l’émission de CO2 et des distances parcourues. Il est donc incohérent d’autoriser les grosses berlines ou les SUV à se déplacer alors qu’ils sont lourds et qu’ils polluent plus en CO2 et en particules fines (usure des pneus, des plaquettes de frein, … liée au poids).
Le remplacement massif des voitures thermiques par des voitures électriques est sans doute une bonne affaire pour les constructeurs automobiles, mais cela ne réduira pas l’empreinte au sol donc les embouteillages, et cela demandera une consommation élevée de métaux (cuivre, aluminium, or, terres rares, etc.) obtenus via des modes d’extraction très polluants en utilisant de la main d’œuvre dans des conditions inacceptables.
Le renouvellement du parc automobile va aggraver le bilan carbone. Produire une voiture provoque des émissions de CO2 non négligeables (25 % des émissions du cycle de vie total d’une voiture). Il vaut mieux conserver le plus longtemps possible les voitures existantes.

La ZFE est socialement injuste.
Les personnes les plus pauvres ont des véhicules moins bien classés selon Crit’Air, mais se déplacent moins et ont des voitures moins puissantes. La ZFE aboutit à limiter le droit à la mobilité de populations qui en ont le plus besoin, en les confrontant à des dépenses difficiles à assumer, et sans leur proposer d’alternative.
Comment vont faire les aides à domicile, ou les personnels du nettoyage, qui utilisent leurs propres véhicules ? Le niveau particulièrement bas des salaires ne leur permettra certainement pas d’investir dans des véhicules « propres ».

La ZFE est problématique pour nos libertés.
Afin d’imposer un dispositif que la population risque de rejeter, la vidéo verbalisation va se généraliser. C’est un risque important pour nos droits et libertés, qui peut ouvrir la voie à une société de contrôle généralisé.

Il faut une rupture écologique et sociale.
Nous pensons que les questions sociales et environnementales sont indissociables, et qu’il faut répondre en même temps à l’urgence sociale et à l’urgence environnementale.
C’est pourquoi nous portons à la fois le refus des ZFE telles qu’elles sont actuellement mises en œuvre, et la demande du développement et de la gratuité des transports collectifs du quotidien (bus, tram, train).
La solution n’est pas de remplacer les actuelles voitures par autant de voitures, mais de créer les conditions pour permettre aux gens d’utiliser moins leur voiture.

Analyse : Eric Piolle est pour une ZFE imaginaire

  • « en réduisant d’un tiers les kilomètres parcourus par les véhicules polluants, en développant massivement le vélo et en éradiquant les dispositifs de chauffage au bois non-performants il est possible de réduire de 2/3 la mortalité liée à la pollution.« 

Certes, mais le chauffage au bois, premier émetteur de particules fines dans l’agglomération, n’est pas concerné par la ZFE. D’autre part rien n’est fait pour inciter les 65% d’automobilistes, disposant d’un véhicule Crit’Air 2 ou 1, à réduire l’usage de la voiture.

  • « nous portons auprès de la Métropole l’extension des transports en commun, de leurs horaires, une tarification sociale et solidaire, ainsi que des gratuités le week-end « 

Certes mais on prend le chemin inverse. L’offre a été réduite  et les projets d’extension sont à l’arrêt et la gratuité le week-end n’est pas à l’ordre du jour.

  • « Une ZFE juste doit être couplée avec un réseau de transport en commun socialement accessible, tram, bus, RER métropolitain, et des aides en faveur des mobilités douces du vélo et de l’autopartage.« 

Pour bénéficier des tarifs dits sociaux, il faut avoir un revenu très bas (Quotient Familial inférieur à 755 €)  et le RER ne se fera pas avant 2035 !!!

  • « les populations les moins aisées sont d’une part bien moins dotées en automobiles que les autres, et surtout elles sont les premières victimes de la pollution de l’air, habitant près des axes routiers »

Certes les populations défavorisées ont moins de véhicules, mais surtout ont des véhicules plus anciens, donc plus concernées par la ZFE. C’est donc pour beaucoup les plus pauvres qui sont invités à utiliser les transports collectifs.

Par ailleurs, les grands axes ne sont pas dans le périmètre de la ZFE.

  • « Sans oublier évidemment des aides ciblées sur les moins aisé-es ne pouvant pas se passer de leur voiture individuelle afin qu’ils puissent changer de motorisation ou de véhicule. » : 

Les aides sont totalement insuffisantes et accorder des aides correctes couterait énormément d’argent public : autant les consacrer au développement et à la gratuité des transports publics.

  • « Les voitures les plus lourdes notamment les SUV sont aujourd’hui les plus émettrices de C02 (et accidentogènes). Leur vente est exponentielle, 40% des véhicules neufs aujourd’hui, ruinant les efforts faits par ailleurs pour limiter les émissions du secteur automobile. L’interdiction de la publicité sur ces véhicules ainsi que la création d’un malus pour leur achat étaient par ailleurs une proposition importante de la Convention Citoyenne Climat« 

C’est bien le problème. Les véhicules type SUV récents auront tout à fait le droit de circuler autant qu’ils le voudront car la ZFE n’y changera rien.

Nous sommes d’accord avec beaucoup de choses exposées par le Maire de Grenoble. Comme il le démontre amplement, les conditions pour rendre la ZFE efficace pour l’environnement et socialement juste ne sont pas réalisées et c’est pour cela que nous y sommes opposés. M. Le Maire de Grenoble devrait en tirer les conséquences et se déclarer opposé à la ZFE.

3 thoughts on “Eric Piolle pour une ZFE imaginaire

  1. ladurelle daniel

    bien sûr que je suis en phase avec le collectif ! il n’y a qu’à regarder les horaires de la ligne 25 pour comprendre que les habitants qu’elle dessert auront du mal à joindre Grenoble ;
    Le matin en semaine, le premier bus arrive à Grenoble à 6h43, le samedi à 7h00 et le dimanche à 8h40 .
    le soir en semaine ou le samedi, dernier départ depuis Grenoble à 20h30. Le dimanche, c’est 20h00. Cela rend impossible une sortie, une réunion, un spectacle, un restaurant.
    Question fréquence, c’est :
    – en semaine 1 bus/demi-heure de 9h à 15 heures et de 18h à 20h30. En dehors de ces plages, c’est 1 bus/20mn.
    – le samedi 1 bus/demi-heure
    – le dimanche : 1 bus/h
    Je ne parle que des périodes ordinaires …
    Par ailleurs, quand on parle « d’un mort par jour dans le bassin grenoblois » (c’est bien sûr trop) mais fait-on une autopsie pour chaque décès ? quid du tabac et autres expositions aux polluants (fumée d’usines, incinérateurs, travaux routiers, constructions d’immeubles …) et comme, c’est dit, roulage des véhicules ?
    IL est fait un amalgame entre CO² (climat) et particules fines (santé) ; le gasoil émet moins de CO² que l’essence (c’est pour cela qu’il avait été détaxé) mais plus de particules (que les pots d’échappement catalytiques masquent par cracking qui les transforme en nanoparticules). faut-il attendre le moyen terme (c’est quand ?) « il faut également sortir de l’essence à moyen terme »
    Enfin, faut-il rappeler que les personnes âgées ont des grandes difficultés pour emprunter (assurances, mauvaises santé, …) afin de changer leur véhicule pour un autre qui pourra survivre à la ZFE ?

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  2. jean giard

    J’ai lu avec intérêt les deux textes sur la ZFE; Je suis pleinement d’accord avec l’analyse de la CGTPAG. aussi bien sur le plan écologique, que de la justice sociale et de la démocratie.
    A quand la gratuité des transports en commun.

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