1. Cœurs de ville, cœurs de métropole
Pour les élus métropolitains,
« la démarche « Coeurs de Ville/Village, Coeurs de Métropole » intègre toutes les dimensions urbaines : amélioration de la qualité des espaces publics, soutien aux commerces et à l’artisanat, développement des transports en commun et des mobilités douces.
Elle s’appuie en outre sur des politiques publiques déjà bien ancrées sur le territoire, à l’instar de « Ville respirable en 5 ans », qui vise à améliorer la qualité de l’air d’ici à 5 ans par des actions soutenues par l’Etat, ou l’initiative « Métropole apaisée » qui va progressivement généraliser la vitesse à 30 km/h dans les rues de l’agglomération, à l’exception de certains axes majeurs qui demeureront à 50 km/h. »
A Grenoble, le projet a consisté en un réaménagement important du centre-ville avec des nouvelles voiries, des pistes cyclables rénovées, une extension des zones piétonnes et un nouveau plan de circulation.
À la demande de la Métropole et dans le cadre du projet « cœurs de ville, cœurs de Métropole » (noté CVCM), une étude conduite par Atmo Auvergne-Rhône-Alpes a évalué les effets du nouveau plan de circulation sur la qualité de l’air à Grenoble.
L’étude a porté sur les concentrations de dioxyde d’azote, un polluant très lié au trafic automobile.
2. Résultats de l’étude
Contexte de la qualité de l’air :
« Les seuils de référence sanitaires pour les particules en suspension (PM10 et PM2,5 ) et réglementaires pour le dioxyde d’azote (NO2) et l’ozone (O3) sont dépassés de manière récurrente sur le territoire. Les dépassements actuels des valeurs réglementaires concernant le NO2 et passés concernant les PM10, sont à l’origine de procédures précontentieuses entre la France et la Commission Européenne. De plus, il est estimé qu’environ 145 décès sont attribuables chaque année à l’exposition aux particules fines. Plus que les «pics de pollution», c’est l’exposition chronique qui est principalement responsable des impacts de santé. »
Les analyses réalisées permettent d’aboutir à une conclusion en 2 points :
- La mise en place du nouveau plan de circulation lié à CVCM n’aurait pas d’effet global sur l’exposition au NO2 des habitants de l’agglomération grenobloise.
- En revanche, la mise en place du nouveau plan de circulation lié à CVCM entrainerait des effets locaux, positifs et négatifs, sur l’exposition au NO2 à proximité de certains axes du centre-ville.
Commentaires :
Passons sur l’usage du conditionnel dans les conclusions qui installe un certain doute sur ces résultats. Concrètement, on note une baisse de la pollution dans le secteur où la circulation a été réduite (axe Rey-Sambat-Liautey) et une augmentation là où elle a augmenté du fait du report de trafic (cours Gambetta, rue Lesdiguières). Au niveau de la ville de Grenoble, le nouveau plan de circulation n’apporte ni amélioration ni dégradation de la qualité de l’air. Autrement dit on a gagné d’un côté ce que l’on a perdu de l’autre. Un résultat que l’on peut déduire de cette étude sur la pollution c’est que le nouveau plan de circulation n’a pas fait baisser le trafic automobile globalement dans le centre-ville.
Le défaut de ce premier graphique est qu’il compare des valeurs moyennes de concentration de NO2, ce qui ne rend pas compte du niveau d’exposition des populations en proximité des grands axes. D’ailleurs le graphe montre que les populations impactées par les changements de trafic sont plus exposées que la moyenne grenobloise.
3. Il y a nécessité de suivre les zones les plus exposées à la pollution
Concentration annuelle moyenne de dioxyde d’azote (NO2) dans le centre de Grenoble
Le graphe ci-dessus montre parfaitement que les zones à proximité du trafic routier sont les plus exposées à la pollution de l’air. La concentration de NO2 dans les zones les plus éloignées du trafic est inférieure à la limite maximum de l’Organisation Mondiale de la Santé, soit 40 ug/m3, et les concentrations proches du trafic sont toutes supérieures. Il n’est pas acceptable que seules les valeurs moyennes soient retenues comme indicateurs alors qu’une partie de la population est soumise à de forts taux de contamination. Non seulement il faut suivre les concentrations de polluants aux abords des axes de grande circulation mais aussi prendre les mesures susceptibles de ramener les niveaux de pollution en dessous des seuils fixés par l’OMS.
Concentration annuelle moyenne de dioxyde d’azote (NO2) dans l’agglomération
Bilan des concentrations de polluants à Grenoble en 2018
Valeurs recommandées par l’Organisation mondiale de la santé
NO2
40 μg/m3 moyenne annuelle
200 μg/m3 moyenne horaire
O3
100 μg/m3 moyenne sur 8 heures
Matières particulaires fines (PM2.5)
10 μg/m3 moyenne annuelle
25 μg/m3 moyenne sur 24 heures
Matières particulaires grossières (PM10)
20 μg/m3 moyenne annuelle
50 μg/m3 moyenne sur 24 heures
À part pour l’oxyde d’azote, les valeurs réglementaires à respecter selon l’ATMO, sont toutes supérieures aux valeurs recommandées par l’OMS. (Ozone : 120 pour 100 μg/m3, PM2.5 : 25 pour 10 μg/m3 , PM10 : 40 pour 20 μg/m3 )
4. Impact du trafic routier sur les niveaux de pollution
Niveaux moyens de concentration de polluants en situation de fond et à proximité du trafic
Airparif (organisme de la surveillance de la qualité de l’air en région Île-de-France) a étudié l’impact du trafic routier sur le niveau de pollution par rapport à la pollution de fond.
A proximité du trafic les concentrations de polluants sont 2 à 7 fois plus élevées que dans les zones éloignées (pollution de fond).
5. Pour moins mourir de la pollution, il faut restreindre le trafic routier
Rendant compte de l’étude de l’ANSES de juillet 2019 consacré à la pollution de l’air, le site ACTU-ENVIRONNEMENT.com titre : « Pour moins mourir de la pollution, il faut restreindre le trafic routier » [ https://www.actu-environnement.com/ae/news/avis-anses-pollution-air-trafic-routier-sante-mobilite-33795.php4 ]
Dans son avis, l’ANSES (l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) alerte sur les effets néfastes du trafic routier sur la santé et considère que l’évolution du parc automobile vers l’électromobilité ne suffira pas à inverser la tendance mais qu’il faut surtout réduire le trafic.
L’ANSES considère que « l’évolution technologique et réglementaire, la promotion des technologies alternatives (électromobilité), le renouvellement du parc roulant (toutes catégories de véhicules incluant les deux-roues et les véhicules utilitaires légers) ne suffira pas à inverser la tendance, mais qu’il faut surtout la réduction du trafic compensée par le renforcement des transports en commun et modes actifs dans les zones densément peuplées, comme leviers potentiels de réduction de la pollution atmosphérique, de la pollution de proximité et de l’exposition des populations ».
Rapport de l’ANSES de juillet 2019
6. De nouvelles particules fines à suivre
Par ailleurs, l’ANSES confirme « avec des niveaux de preuve forts« , les effets sur la santé des particules de l’air ambiant, dont les particules ultrafines (inférieur à un micromètre), le carbone suie et le carbone organique. Ces trois polluants sont bien à l’origine d’atteintes respiratoires et cardiovasculaires et de décès anticipés. Ils ont comme source le trafic routier, la combustion de charbon, de produits pétroliers et de biomasse.
Pour l’agence, il y a donc « nécessité d’agir » sur ces sources pour limiter les pollutions et intégrer les trois polluants dans les indicateurs d’évaluation des politiques publiques de qualité de l’air, en complément des indicateurs de particules PM2.5 et PM10 actuellement en vigueur.
LES POLLUANTS PRIMAIRES LIÉS AUX TRANSPORTS
LES POLLUANTS SECONDAIRES
7. CONCLUSIONS
- Les valeurs moyennes ne rendent pas compte de l’état réel de la pollution dans les zones les plus exposées. Il est donc absolument nécessaire d’avoir un suivi de ces zones fortement contaminées.
- Les seuils réglementaires doivent se rapprocher des valeurs recommandées par l’OMS
- De nouvelles particules fines doivent intégrer la liste des éléments à suivre
- Enfin, il serait vain d’attendre les progrès technologiques pour faire baisser les niveaux de pollution induits par le trafic routier. Pour l’ANSES, il faut réduire l’intensité du trafic et développer les transports en commun et les modes actifs.