Des transports efficaces et gratuits, c’est maintenant !

Coordination nationale pour des transports collectifs gratuits :
Aubagne, Bordeaux, Chambéry, Clermont-Ferrand, Grenoble, Lyon, Metz, Nancy, Rouen, Roubaix, Strasbourg, Toulouse, Vallée de la Thur

« À l’occasion des élections à venir, nous nous adressons aux candidat-e-s pour  l’instauration de la gratuité totale  des transports en commun de proximité »

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Le développement des transports publics et leur gratuité d’accès, c’est maintenant !

Depuis 2016, une douzaine de collectifs locaux (Aubagne, Bordeaux, Chambéry, Clermont-Ferrand, Grenoble, Roubaix, Lyon, Metz, Nancy, Rouen, Saint-Amarin, Strasbourg, Toulouse) pour la gratuité des transports publics de proximité se réunissent, analysent et commentent les avancées et les limites des modèles existants. Les modalités de mobilisation sur la question de la gratuité sont diverses et dépendent des partenariats locaux possibles avec les associations de défense de l’environnement et les mouvements sociaux en général.

Nous sommes tous convaincus que la gratuité totale et inconditionnelle est non seulement un objectif réaliste, mais que c’est aussi une nécessité de plus en plus urgente pour la préservation de la vie en zone urbaine. Aujourd’hui, c’est aux candidates et aux candidats à l’élection présidentielle que nous nous adressons.

I. La gratuité : un choix de société

Les crises sociale, climatique, sanitaire imposent de faire société autrement. Le temps n’est plus aux demi-mesures, mais à un véritable changement de cap. C’est une nécessité pour désengorger les villes et les métropoles et une opportunité pour lutter contre l’enclavement des territoires ruraux, afin de permettre à toutes et tous l’accès aux services publics. Nous récusons l’opposition entre urgence sociale et urgence environnementale, et nous pensons qu’il est possible de vivre mieux tout en préservant la planète.

Chacun et chacune peut en faire l’expérience : la gratuité est un sujet qui suscite des débats passionnés. Déjà en 1881, les conservateurs étaient vent debout contre la gratuité de l’enseignement élémentaire public. Aujourd’hui le principe de l’enseignement gratuit n’est plus contesté. On peut faire le même constat avec la Sécurité Sociale, dont personne ne conteste l’utilité et que de nombreux pays nous envient. Choisir la gratuité, c’est en réalité un choix de société par lequel la collectivité décide de garantir un droit : l’éducation, la santé, demain les transports en commun.

Ce qui relève du bien commun doit être gratuit : il est prioritaire de répondre aux besoins essentiels de la population et de soustraire à la loi du marché les biens et services publics qui servent l’intérêt général, tout en veillant à la bonne utilisation de l’argent public et en évitant les gaspillages.

 

II.       Le développement des transports collectifs du quotidien et leur accès gratuit : une priorité

L’étalement urbain et la concentration des emplois dans les agglomérations contribuent fortement à l’usage excessif de la voiture individuelle. Mais ce n’est plus tenable, nous devons changer nos habitudes de déplacement. Un développement important des transports collectifs de voyageurs (tramway, bus, train) associé à la gratuité est une alternative socialement juste, bonne pour la planète, efficace et crédible.

1.  C’est une mesure de justice sociale

Depuis près de 50 ans, avec un chômage de masse, un accroissement de la pauvreté et de la précarité, une asphyxie des services publics, la société française vit une crise économique et sociale profonde, que la mise en œuvre de politiques néolibérales n’a fait qu’amplifier. Selon la dernière étude de l’INSEE, le taux de pauvreté (revenu inférieur à 60 % du revenu médian) est passé de 13 % en 2008 à 14.6 % en 2019, soit une augmentation considérable de 1.4 million de personnes dans la période.

Les cadeaux aux 0,1 % les plus fortunés, comme la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) et la baisse de la fiscalité sur les revenus du capital («flat tax») n’ont eu aucun effet sur l’investissement, l’emploi, le pouvoir d’achat.

Avec la crise du COVID, selon les associations caritatives, un million de personnes ont basculé dans la pauvreté à cause de la pandémie. Le nombre de bénéficiaires du RSA et d’inscrits à Pôle Emploi a augmenté. Et selon OXFAM France, fin 2020, le nombre de bénéficiaires de l’aide alimentaire était estimé à plus de 8 millions de personnes, alors qu’il se situait à moins de 3 millions en 2008.

Les dépenses de transports impactent fortement les foyers les plus modestes, voire les privent de possibilités de déplacement. Or les tarifications « sociales » ou « solidaires » ne remplissent pas leur rôle : un nombre important de personnes renoncent à faire les démarches et l’existence de différents tarifs suscite des discriminations et des tensions.

Dans ce contexte de crise économique violente, nous avons besoin de mesures fortes. La gratuité des transports du quotidien permet d’obtenir une plus grande justice sociale, crée un droit à la mobilité, facteur d’inclusion sociale, et permet une redistribution de pouvoir d’achat.

2. C’est bon pour préserver notre environnement et notre santé

Il ne fait plus aucun doute que les activités humaines sont responsables du dérèglement climatique à travers les émissions de gaz à effet de serre (GES), dues notamment à l’utilisation des énergies fossiles. L’année 2020 se classe parmi les trois années les plus chaudes jamais constatées, après 2016 et 2019. Les conséquences de ce réchauffement peuvent être dramatiques : périodes de canicule prolongées en été, inondations, dépérissement des forêts, hausse du niveau des mers et recul des côtes, acidification des océans, ouragans plus nombreux et plus violents, sécheresse, migrations forcées, etc. Or les émissions de CO2 dues aux transports ont augmenté de 17 % entre 1990 et 2017.

Il faut s’attaquer à la racine des problèmes et prendre des décisions qui modifient structurellement les déplacements : développer les transports collectifs et favoriser les modes de transports doux, instaurer la gratuité pour les déplacements du quotidien, réduire drastiquement la circulation automobile. Par ailleurs, cela permet de préserver les terres agricoles et les espaces naturels. C’est en outre essentiel pour vivre en bonne santé dans des villes moins polluées, pour éviter les 50 000 décès prématurés chaque année en France liés à la pollution atmosphérique.

3. C’est bon pour une économie plus sobre et plus juste

Les  coûts et les nuisances du trafic routier sont considérables :

  • outre ses conséquences en termes sanitaires, la pollution de l’air a un coût estimé à 100 milliards d’euros par an selon un rapport du Sénat ;
  • d’après les chiffres de l’Observatoire National Interministériel de la Sécurité Routière, en 2016 les accidents de la route sont à l’origine du décès de 3 500 personnes et ont coûté 38,3 milliards d’euros  à la collectivité ;
  • les habitants de Paris, Nice, Marseille, Bordeaux, Grenoble et Lyon perdent environ 140 heures par an (6 jours !) dans les embouteillages. Le coût des embouteillages est estimé à 20 milliards d’euros par an au plan national ;
  • l’entretien des routes et des parkings grève largement le budget des collectivités.

Tout cet argent pourrait être réinvesti dans le développement et la gratuité des transports publics du quotidien. De plus, le développement des transports publics permet d’alléger la part du budget des ménages consacrée à l’utilisation de la voiture individuelle.

4. La voiture électrique, une fausse solution

Il faut rompre avec des modes de vie et des solutions qui sont des impasses :

  • un embouteillage de voitures électriques reste un embouteillage ;
  • l’emprise des routes et autoroutes est la même et la construction de nouvelles routes contribue à l’artificialisation des sols ;
  • l’extraction des matières premières nécessaires à la construction d’une voiture électrique et à la fabrication des batteries, ainsi que le recyclage, engendrent des coûts environnementaux et sociaux considérables, par ailleurs la pénurie de certaines matières premières comme le lithium guette déjà ;
  • la consommation d’électricité est considérable : si 40% du parc automobile devient électrique, il faudra alors disposer de 30 TWH supplémentaires, soit l’équivalent de 7% de la puissance électrique actuelle, alors que l’objectif doit être de diminuer la consommation d’énergie, y compris la consommation électrique.

Remplacer massivement la voiture individuelle à moteur thermique par la voiture individuelle électrique ne règle pas les problèmes actuels et peut en créer de nouveaux : c’est en pratique une solution illusoire.

 

III.    La gratuité des transports publics, c’est possible et ça marche 

Pour réussir à changer massivement les comportements en matière de déplacements, il faudrait doubler d’ici 2030 la part modale des transports en commun. Cela implique des transports collectifs plus attractifs et répondant aux besoins en termes de capacités d’accueil, de desserte, de fréquence, d’horaires, de ponctualité, de rapidité, de confort. L’expérience montre que là où ces choix ont été faits, la gratuité constitue un élément supplémentaire déterminant de leur attractivité.

La gratuité des transports publics est un signal fort envoyé à la population pour l’inciter à laisser sa voiture et prendre les transports en commun. Prendre le train, le tramway ou le bus plutôt que la voiture, cela réduit la pollution, les embouteillages, c’est bon pour la santé et la tranquillité de la vie quotidienne. Tout le monde en profite. Il est juste que ce soit pris en charge collectivement, comme la santé et l’école.

1. Cela existe déjà dans 35 agglomérations en France

La gratuité totale des transports publics a été instaurée à Compiègne en 1975, à Châteauroux en 2001, à Aubagne en 2009, à Dunkerque en 2018. Suite aux dernières élections municipales, Montpellier, Rouen, Nancy, Nantes se sont engagées sur cette voie en commençant par le samedi ou le week-end. Au Luxembourg, tous les transports en commun du pays (bus, tram, train) sont gratuits depuis le 1er mars 2020.

Partout, la gratuité associée à une amélioration du réseau s’est traduite par une hausse de la fréquentation : à Châteauroux, + 81 % dès l’année suivante et + 172 % en sept ans, à Aubagne, + 142 % en trois ans. A Dunkerque, une agglomération de 200 000 habitant-e-s, la fréquentation a doublé après deux ans de gratuité.  Dans cette agglomération, la moitié des nouveaux utilisateurs de transports collectifs utilisaient la voiture auparavant, et la gratuité est désignée comme le principal élément déclencheur de leur changement d’habitude par 80 % des nouveaux usagers : ils citent des raisons financières ou évoquent des notions liées à la simplicité, ou encore à la liberté de circuler que permet la gratuité.

2. Un nouveau modèle financier

Avec ou sans la gratuité, un usage massif des transports collectifs exige des investissements et des embauches supplémentaires, d’autres façons de repenser l’urbanisme et les réseaux de  transports, de faire des connexions entre réseaux et des gares multimodales. Au regard des besoins de financement que cela implique, le «coût de la gratuité» est à relativiser.

En France, la billetterie représente 5 milliards d’euros dans le financement des transports collectifs locaux et un milliard d’euros dans celui des TER. A titre de comparaison, les nuisances liées au trafic routier coûtent des dizaines de milliards d’euros par an, et l’inaction contre le changement climatique pourrait coûter à l’horizon 2050 de 5 à 20 % du PIB, soit 100 à 400 milliards d’euros par an. La gratuité, c’est l’anti-gaspi.

Se déplacer en transport en commun bénéficie à toutes les composantes de la société. Le financement des transports en commun doit donc être assuré par les collectivités locales, les entreprises (en portant leur versement à 3 % de la masse salariale comme en Île-de-France) et par l’État.

Tout cela impose de considérer le développement des transports en commun comme une priorité absolue, notamment en termes budgétaires, en sortant d’une logique purement comptable qui freine ce développement.

2.1. Le versement mobilité

La concentration des activités dans les Métropoles – notamment dans les zones industrielles et commerciales – et la hausse des prix de l’immobilier qui éloigne de celles-ci de nombreux habitants poussent à un allongement des trajets et à un engorgement croissant des agglomérations. Il est donc légitime que la contribution des entreprises finance de plus en plus les transports publics, d’autant que la gratuité leur ferait économiser leur part de 50 % dans les abonnements des salariés. Le « Versement Mobilité » – taxe égale au maximum à 2 % de la masse salariale des entreprises de 11 salariés et plus – constitue aujourd’hui une grande part du financement des transports collectifs. Elle doit être portée à 3 % sur tout le territoire, comme c’est déjà le cas en Île-de-France.

2.2. L’État doit jouer son rôle

Au regard des engagements internationaux de la France, il est de la responsabilité de l’État d’impulser les nouvelles pratiques de mobilités et de soutenir les collectivités locales pour le développement des transports collectifs. L’État perçoit la contribution Climat Énergie qui représentera en 2022 de l’ordre de 10 milliards d’euros. Une partie de cet argent devrait servir à cela.

2.3. La crise sanitaire

L’État doit compenser intégralement les pertes de recettes liées à la crise du COVID. La mission sénatoriale sur les conséquences de la crise sanitaire a estimé à 2,8 milliards d’euros en 2020 les pertes subies par les Autorités Organisatrices des Mobilités. Ce montant est à rapprocher des 100 milliards d’euros du plan de relance du gouvernement. Le nombre et la fréquence des véhicules de transports doivent être adaptés pour permettre aux usagers de se déplacer dans des conditions conformes aux contraintes sanitaires.

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