MUNICPALES 2020 : LETTRE AUX CANDIDATS

Les prochaines élections municipales s’ouvrent dans un contexte de défis multiples mais ô combien décisifs à relever pour l’avenir des populations. Notre Collectif voit trois urgences à traiter, celle du changement climatique, celle de la pollution de l’air ambiant et celle de la justice sociale. La question des mobilités se trouve intriquée dans ces trois urgences et c’est pourquoi notre Collectif milite pour la gratuité des transports publics.

Article en pdf

Questionnaire pdf

 

1. L’urgence climatique

Les effets du changement climatique se font déjà sentir dans notre région. L’élévation de la température moyenne de la planète est de 1° Celsius, mais la température de la région s’est élevée de 2° C entre 1961 et 2015 (cf schéma). Les jours de chaleur extrême, supérieurs à 35°C, vont se multiplier et la baisse de l’enneigement dans les stations de basse altitude est déjà une réalité. Une étude du cabinet TEC est particulièrement alarmante.

De plus, le plan climat de l’agglomération de la Métropole reconnaît son incapacité à rester sur une trajectoire à moins de 2°C à l’horizon 2030, pour ce qui est de la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).

Malgré les recommandations du GIEC et les engagements de l’État, les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter en France et l’objectif d’une augmentation de 1,5°C de la température moyenne de la planète ne paraît plus pouvoir être tenu. Les résultats de la COP25 ne vont pas rassurer la jeunesse qui manifeste contre l’inaction des gouvernements.

Les transports sont responsables du tiers des émissions de GES et les scientifiques du GIEC recommandent de limiter le trafic automobile et de développer les transports collectifs.

 La tendance actuelle serait une hausse de plus de 3°C minimum de la température de la planète.

2. L’urgence sanitaire

La qualité de l’air ambiant dans le bassin grenoblois n’est pas conforme aux recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Les concentrations de particules fines ou bien celle du dioxyde d’azote sont responsables de nombreuses pathologies et de morts prématurés. Les sources de ces polluants sont multiples mais les transports sont l’un des vecteurs le plus émetteur et le plus constant sur l’année.

Malgré les plans des pouvoirs publics la pollution de l’air, bien qu’en baisse, persiste à des niveaux dangereux pour la santé des habitants. D’ailleurs l’agglomération grenobloise a été citée par la Cour de justice européenne dans sa condamnation de la France pour un dépassement systématique et persistant des valeurs limites du dioxyde d’azote.

À noter qu’il s’agit de valeurs moyennes qui ne reflètent pas les concentrations, bien plus élevées, à proximité des grands axes de circulation et que d’autres polluants ne sont pas pris en compte. Dans une étude, l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES) alerte sur les effets néfastes du trafic routier sur la santé et considère que l’évolution du parc automobile vers la motorisation électrique ne suffira pas à inverser la tendance mais qu’il faut surtout réduire le trafic.

Concentration annuelle moyenne de dioxyde d’azote (NO2) dans le centre de Grenoble

http://www.gratuite-transports-publics.ouvaton.org/wp-content/uploads/2019/10/concentration_NO2_CVCM_2-1024×389.jpg

3. L’urgence sociale

Une étude de l’INSEE révèle qu’en 2018 les inégalités ont enregistré la plus forte hausse depuis 2010 et que la pauvreté touche à présent 14,7% de la population française soit, plus de 9 millions de personnes.

À Grenoble les tarifs des TC pour les 25-64 ans ont augmenté de 50% en dix ans alors que les pensions des retraités et le point d’indice des fonctionnaires sont gelés depuis de nombreuses années et que les salaires des salariés du privé augmentent très peu. Quant à la tarification solidaire, présentée comme la solution idéale, elle ne répond pas au droit à la mobilité pour tous. Premièrement, les budgets alloués à cette tarification ne sont pas à la hauteur des besoins. À Grenoble il faut avoir un quotient familial inférieur à 675€ pour en bénéficier, ce qui est inférieur au seuil de pauvreté (1 026 euros par mois pour une personne seule en 2016 selon l’INSEE). Deuxièmement et d’après l’étude de Dunkerque, 30% des personnes qui avaient droit à la tarification sociale ne faisaient pas les démarches pour en bénéficier, pour diverses raisons. Ce phénomène existe évidemment à Grenoble. De fait, une bonne partie des usagers à faibles revenus paient autant que ceux à hauts revenus.

La gratuité des TC rend du pouvoir d’achat à la population à ceux qui prenaient déjà le bus et encore plus aux nouveaux usagers qui viennent de la voiture. En se basant sur l’étude dunkerquoise on peut estimer que les automobilistes, circulant dans l’agglomération, dépensent chaque jour plus d’un million d’euros en carburant, c’est-à-dire que chaque année 300 Millions d’€ partent en fumée !

Au final la gratuité des TC, crée des emplois et du pouvoir d’achat qui pourra s’investir utilement dans l’économie locale.

4. Réduire le trafic routier : un impératif

Nous l’avons vu le trafic routier engendre non seulement des nuisances environnementales et sanitaires mais nous pouvons le constater tous les jours des encombrements importants sur les grands axes. Dans sa dernière étude TomTom classe Grenoble en 4ème position des villes les plus embouteillées. Sans mesures fortes, on ne voit pas aujourd’hui ce qui pourrait inverser la tendance à l’accroissement du trafic, comme le montre le graphique ci-dessous, avec la nécessité de construire des infrastructures couteuses.

Hausse du trafic autoroutier dans la région : A48 et l’A49 + 50 % en 15 ans

Alors pour réduire sensiblement le trafic routier, améliorer l’offre est bien sûr nécessaire, mais cela ne suffit pas. Une RUPTURE avec les modèles anciens est nécessaire. Il faut instaurer la gratuité et développer des alternatives plus respectueuses de l’environnement comme la marche et le vélo pour les petits déplacements mais aussi des transports collectifs de grandes capacités pour les déplacements pendulaires.

Le nouveau syndicat de l’aire grenobloise, le SMMAG, pourrait être l’outil capable d’opérer les changements à la hauteur des enjeux, s’il y a la volonté politique de le faire.

Les plans de déplacement d’entreprise du CEA et de STMicroelectronics sur la Presqu’île scientifique présentent des résultats spectaculaires et pourraient servir d’exemples.  À STMicroelectronics, les abonnements sont pris en charge à 80% par l’entreprise. La part modale des « autosolistes » est passée d’environ 75% en 2000 à 34% en 2015 (faute de résultats plus récents). Au CEA, les abonnements sont pris en charge à 85% par l’entreprise depuis 2009 et la part des « autosolistes » est passée en 2019 à 29%. Dans les deux cas, la part des transports en commun a considérablement augmenté (de 10% à 40%), ce qui n’a pas empêché la part du vélo d’augmenter.

Grâce à ces PDE se sont des milliers de voitures en moins sur les routes chaque jour

5. La gratuité des transports publics se développe en France et en Europe

Depuis l’année 2000, près d’une trentaine d’agglomérations ont fait le choix de la gratuité des TC en France. Les derniers exemples sont Dunkerque en 2018 et Calais fin 2019. Il faut citer le cas de l’Estonie qui a instauré la gratuité des bus sur l’ensemble de son territoire et le Luxembourg qui s’apprête à rendre tous ses transports gratuits (trains, trams et bus). Ces exemples montrent que la taille du réseau n’est pas un obstacle insurmontable.

Il faut noter également un fort développement des gratuités partielles, par exemple certains jours de la semaine ou pour certaines catégories de la population.

6. Qui doit payer ?

La plupart des déplacements sont liés à des activités économiques (domicile-travail, achats, loisirs, services, etc.) Il est juste qu’une part de la richesse créée soit affectée aux transports des personnes. Il est légitime que les entreprises financent les externalités négatives créées par la métropolisation, dont les transports font partie et c’est pourquoi il faut augmenter le versement transport. En retour la réduction de la circulation automobile, en fluidifiant le trafic, est un facteur de dynamisme économique.

Diminuer le trafic automobile c’est moins d’externalités : moins de pollution atmosphérique, moins d’infrastructures, moins d’accidents, moins de gaz à effet de serre, moins de nuisances sonores. Au final des coûts inutiles diminués. Par ailleurs, cela réduit de manière importante les dépenses d’entretien et d’extension des infrastructures routières.

7. Conclusion

Il faut rappeler, à ceux qui ne voient d’issue que dans l’accroissement sans fin des infrastructures routières et autoroutières coûteuses, qu’en libérant l’espace public et en réduisant la pollution de l’air, les transports publics servent à ceux qui les prennent comme à ceux qui ne les prennent pas.

La gratuité des TC s’est déjà imposée dans le débat des prochaines élections municipales. S’appuyant sur les expériences existantes en France et à l’étranger, l’idée de la gratuité est portée par de nombreux candidats. Tous argumentent sur les dimensions environnementales et sociales de la gratuité.

La gratuité des transports publics est un choix politique, un choix politique de rupture avec l’existant.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *