2èmes Rencontres internationales du Transport public gratuit à Châteauroux

Les 10 et 11 septembre 2019 se sont déroulées les 2èmes Rencontres internationales du Transport public gratuit à Châteauroux

 

Programme des 2es Rencontres internationales du Transport public gratuit

Le collectif pour la gratuité des transports publics dans l’agglomération grenobloise était invité mercredi 11 septembre à participer à une table ronde : «Ils ont provoqué le débat… Retours d’expérience… Quelles étapes, quelles conditions et quels points de vigilance pour passer à la gratuité»

Participants:

  • Gil AVÉROUS, Maire de Châteauroux, Président de Châteauroux Métropole,
  • Philippe MIGNONET, Maire-adjoint de Calais, Vice-Président de Grand Calais Terres et Mers, en charge des Transports (en remplacement de Natacha Bouchart, Maire de Calais et Présidente du Grand Calais),
  • Maxime HURÉ, Président de VIGS (Villes innovantes et Gestion des savoirs), Président de l’Observatoire des villes du transport gratuit,
  • Michel SZEMPRUCH, représentant du Collectif pour la gratuité des transports publics de l’Agglomération grenobloise et de la Coordination Nationale des Collectifs pour la gratuité des transports publics.

Vidéo de la table ronde :


 

Vidéo de l’intervention de Patrice Vergriete, Maire de Dunkerque :


Compte-rendu d’interventions

La gratuité à St-Julie de Verchères (Québec)

La mairesse de cette commune, située dans la grande banlieue de Montréal, Suzanne Roy, nous a présenté le processus qui a mené à la gratuité des transports publics dans cette petite agglomération de 30 000 habitants. Dans un premier temps il fut développé pour le transport des 7-12 ans des taxis collectifs payant pouvant être aussi utilisés à l’extérieur de la commune. Puis on passa à la gratuité des transports publics pour les jeunes. La fréquentation s’est alors multipliée par trois ou quatre. Enfin, en 2014, la gratuité a été généralisée. Parallèlement le réseau s’est perfectionné ; il s’est étendu aux zones rurales, si bien que l’achalandage a augmenté de 70% ; la fréquence des lignes existantes a augmenté de 40% en quatre ans. Et actuellement, le nombre de personnes passant le permis de conduire est en diminution. Enfin, il s’est créé un « terminus » où beaucoup de services se sont depuis installés, ce qui rend les bus encore plus attractif. Financée par la taxe foncière, la gratuité n’a pas provoqué d’augmentation d’impôt mais seulement un redéploiement des recettes. Ceci dit, Suzanne Roy voudrait que la taxe carbone serve à financer la gratuité des transports publics.

L’impacte de la gratuité à Châteauroux

Trois personnes sont intervenues au sujet de Châteauroux, le maire, Gil Avérous et deux chefs d’entreprise : le Président de la Chambre de commerce et d’industrie de l’Indre, Jérôme Cernais et la directrice de l’entreprise d’insertion Agir, Alice Gomez.

Sont concernées par cette gratuité 14 communes (78 000 habitants). Alors qu’avant 2001, date de la généralisation de la gratuité, 47% des usagers voyageaient déjà gratuitement, leur nombre a depuis cette date été multiplié par 3,3 et l’offre a augmenté de 75%. La dernière amélioration est l’acquisition en 2019 de bus articulés. Si globalement, nous dit Gil Avérous, le nombre de passagers augmente, la courbe fluctue, notamment en fonction du prix de l’essence. 63% des usagers sont des femmes et 38% sont des actifs. Ce qui n’empêche pas les personnes âgées de profiter de la gratuité pour « faire un tour ». 31% des usagers utilisent ces transports collectifs pour se rendre au boulot et 29% pour aller faire des courses. 73% des usagers n’ont pas le permis de conduire. Les chauffeurs de bus sont satisfaits de la gratuité ; ils n’ont pas à faire grève contre des agressions

Pour Alice Gomez, la gratuité a été un élément clé pour la création d’Agir, entreprise de textile qui voit chaque année 200 salariés la fréquenter dont 150 simultanément. Seuls 28% de ces salariés, qui sont surtout féminins, possèdent à la fois le permis de conduire et une voiture. Autant dire que pour ce personnel, la gratuité des transports publics est la bienvenue. Elle sert, selon Alice Gomez, de déclic à l’insertion, surtout qu’avec l’instauration de la gratuité le réseau s’est simultanément amélioré en dessertes et en horaires. Enfin en étant généralisée à tous, la gratuité évite la stigmatisation des personnes sans ou aux faibles revenus.

Selon Jérôme Cernais, pour les 600 jeunes du campus qui vivent dans des logements dispatché sur l’ensemble de la ville, la gratuité des transports est très bénéfique et les bus sont bien utilisés par ceux-ci. De plus, grâce à l’adaptation récente des horaires, ce service gratuit est également très utile pour ces jeunes lorsqu’ils sont stagiaires en entreprise. Favorable à cette gratuité, défavorable à la tarification solidaire, Jérôme Cernais estime que les entreprises ont joué le jeu de cette gratuité. Si les travailleurs de journée profitent bien des transports publics, ce n’est pas le cas des salariés qui travaillent en équipes.

Dunkerque : quel bilan ?

Le maire de Dunkerque et Président de la Communauté urbaine de Dunkerque (22 communes, 200 000 habitants), Patrice Vergriette, nous a fait un bilan de la généralisation de la gratuité instaurée il y a tout juste un an. Avant septembre 2018, la gratuité ne concernait que les personnes âgées et les déplacements du week-end. Globalement, la fréquentation des transports en commun a augmenté de 65%. Mais c’est le samedi qu’elle a le plus augmenté, où elle est devenue aussi forte qu’un jour de semaine. Parmi les nouveaux usagers, 84% invoquent la gratuité comme raison de changement de moyen de locomotion, et 38% l’amélioration du réseau. 48% d’entre eux utilisaient auparavant leur automobile (un tiers des places de parking sont maintenant vides), 21% marchaient et 33%, n’effectuaient pas de tels déplacements. Si 11% d’entre eux utilisaient auparavant le vélo, cela n’empêche pas l’usage de ce moyen de locomotion de progresser.

L’augmentation de l’usage des bus contribue à créer un lien social : « on parle du « copain du bus » ».

Le fait que la gratuité ait été localement un sujet d’actualité a contribué à ce succès : dans les cafés, on en a parlé pendant un an.

Le succès est tel que le Président de la Chambre de commerce est favorable à une augmentation du VT (Versement Transport, payé par les entreprises de plus de 10 salariés).

L’expérience de Niort 

Le vice-président-transports de la Communauté de l’agglomération du Niortais (100 000 habitants, 40 communes, 825 km2), Alain Lecointe nous a informé qu’au moment de la mise en place de la gratuité (2017), la billettique ne représentait que 12% des recettes. La gratuité s’est réalisée sans augmentation du VT. Elle a permis d’augmenter la vitesse des bus du fait que l’on ne perd plus de temps en montant dans le bus pour payer. Par ailleurs, la gratuité s’est étendue aux TER[1] pour les scolaires ; la Communauté d’agglomération prenant en charge le paiement des billets. Dans le même temps, les autorités communautaires ont promu le vélo électrique en rendant sa location gratuite pendant trois mois. 60% des personnes qui se sont essayé à ce moyen de locomotion en sont devenus des usagers. Enfin, Alain Lecointe a insisté pour que l’on prenne aussi en considération les parkings-relais et le covoiturage.

La gratuité pour les scolaires dans la Région Centre-Val-de-Loire

Le vice-président des transports de cette Région (2,6 millions d’habitants), Philippe Fournier nous a expliqué la mise en place, en 2017, de la gratuité des transports publics pour les scolaires et les apprentis dans les zones rurales de sa Région ; les zones urbaines n’étant pas de la compétence des Régions. Cette gratuité a permis d’économiser 1 500 voyages en automobile par jour ; le nombre de voyageurs en bus ayant augmenté quotidiennement de 2 000. En plus de faire économiser 1 000 € par an à chaque couple de parents, cette politique a une dimension écologique.

Au sein du Conseil régional, la gratuité a été votée à l’unanimité.

Prochaine étape : Calais

Le vice-président transports de l’agglomération « Grand Calais, terres et mers » (105 000 habitants), Philippe Mignonnet nous a exposé le projet de gratuité des transports publics dans son agglomération à partir du 1er janvier 2020. C’est la crise des « gilets jaunes » qui a décidé les responsables de cette agglo de prendre cette décision. Jusqu’à présent, ils s’étaient contentés de pratiquer la tarification solidaire. Mais force a été de constater que celle-ci était mal utilisée pour cause de stigmatisation. Avec l’augmentation de l’usage du service du Velib, en partie gratuit, et de l’approche de la gratuité des transports publics, on assiste à une érosion des cours de conduite.

Alors qu’il est prévu l’achat de nouveaux bus, il n’est pas question d’augmenter le VT.

Autre projet : Brème (Allemagne)

La représentante de l’association « Einfach einsteigen », Josephine Wolrab nous a expliqué qu’en Allemagne, seulement de petites villes envisagent d’instaurer la gratuité des transports publics. À Brème, si on utilise beaucoup le vélo pour se déplacer, les transports publics sont peu attractifs. Alors qu’il n’y a pas en Allemagne de VT, son association prône une taxe sur les foyers et sur les entreprises pour financer cette gratuité. 65% de la population de la ville-État de Brème seraient favorables à un tel projet. Le Parlement en discute.

Compléments

Selon Maxime Huré, président de « l’Observatoire des villes des transports gratuits », la gratuité a tendance à se généraliser. Amiens vient de la pratiquer pendant  un mois et l’a rendue effective chaque samedi. Bruxelles l’a instaurée pour les moins de 25 ans. Le Luxembourg l’instaure pour tous les transports publics à partir du 1/1/2020.

Alors que le président de la FNAUT[2], Bruno Cazeau se déclarait opposé à la gratuité des transports public notamment du fait qu’elle empêchait financièrement l’amélioration du réseau, Malika Mazouz, chef de projet de déplacement, a fait remarquer que toutes les mises en application de la gratuité se sont accompagnées d’une amélioration du réseau.

Élodie Barbier-Trauchessec, animatrice à l’ADEME[3] a soulevé la question du rabattement du déplacement en voiture sur les transports en commun et donc celui des parkings-relais.

Enfin Michel Szempruch du CGTPAG[4] a fait remarquer que l’on rencontrait des problèmes pour financer la gratuité alors que le versement des dividendes atteint des sommets.

[1] Train Express Régionaux

[2] Fédération Nationale des Associations d’Usagers des Transports

[3]             Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie.

[4] Collectif pour la Gratuité des Transports Publics de l’Agglomération Grenobloise

 

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