SANS TITRE … de transport

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La gratuité des transports en commun (TC) est aujourd’hui l’objet de vifs débats : les études sur la faisabilité se multiplient (Sénat, Paris, Île-de-France, Clermont-Ferrand, Grenoble, etc.) et fait l’objet de nombreux articles.  L’objectif de la plupart des études et des articles est de démontrer que la gratuité est peu efficace, d’un coût élevé, une incitation au mésusage en s’appuyant souvent sur quelques études bien choisies. Mais, il suffit de gratter un peu le vernis des discours pour mettre en évidence le caractère idéologique de cette opposition, fondé sur des logiques libérales. Car ce qui pose problème, c’est l’idée de gratuité et les difficultés à la financer sans sortir de l’austérité.

Cependant en France et dans les faits, les élus ayant instauré la gratuité des TC sont de tous bords politiques car les motivations et les objectifs s’avèrent multiples :

  • Augmentation de la fréquentation de réseaux peu fréquentés ;
  • Droit aux transports pour tous, augmentation du pouvoir d’achat ;
  • Réduction des embouteillages ;
  • Environnement : moins de pollution, moins d’émission de CO2;
  • Revitalisation d’un centre-ville ;

INEFFICACE, VRAIMENT ?

Précisons que les études réalisées sont peu nombreuses, souvent anciennes, concernant des réseaux peu fréquentés, des villes de taille moyenne où l’automobile a une place centrale dans les déplacements. Il est alors peu sérieux de tirer des conclusions d’ordre général et applicables partout. Pour autant, les villes qui instaurent la gratuité, sont de plus en plus nombreuses et leurs tailles de plus en plus importantes, battant en brèche l’argument que la gratuité ne peut pas s’appliquer aux grandes agglomérations. D’une manière générale, l’impact de la gratuité ne peut s’apprécier que si l’offre de transport constitue une véritable alternative à la voiture individuelle.

Le cas de Tallinn (440 000 habitants, Estonie)

Depuis le 1er janvier 2013 et à la suite d’un référendum, les TC dans la capitale estonienne, y compris les trains, sont gratuits pour les résidents. Les premières motivations des élus étaient de répondre à la crise économique des années précédentes et d’encourager au report modal pour des raisons environnementales. La mesure s’est accompagnée d’une petite amélioration de l’offre de transports.

Premier bilan après une année de gratuité, la fréquentation a augmenté de 10 %, en particulier dans les zones les plus pauvres et éloignées du centre-ville, inversant la tendance à la baisse de l’usage des TC. La part des voitures a baissé de 32 % à 23 %. La fréquentation des trains a été multipliée par 6. Si ces résultats ne sont pas spectaculaires, ils s’expliquent par le fait que bon nombre de personnes bénéficiaient déjà de la gratuité et que la part modale des TC était déjà importante avant la gratuité, dépassant les 50 %. L’enregistrement de 16 000 résidents supplémentaires a permis le financement. Avec près de deux tiers d’usagers, les TC à Tallinn montrent qu’ils sont une alternative aux déplacements en voiture. Aujourd’hui, l’objectif d’étendre le dispositif à d’autres villes périphériques est en cours.

Le cas d’Hasselt (70 000 habitants, Belgique)

La gratuité des TC était en vigueur de 1997 à 2013. Hasselt est très souvent citée par les opposants car pour eux la fin de la gratuité en 2013 marque l’échec de cette mesure.

Avant 1997, il y a une forte croissance du parc automobile, un réseau de TC très peu développé et très peu utilisé. C’est pour répondre aux problèmes de circulation dans la ville que les élus décident d’améliorer le réseau et de le rendre gratuit. Même si l’offre de transport reste assez moyenne la fréquentation passe de 330 000 à 4 600 000 voyageurs en 2006. Cependant, si la part modale de la voiture diminue peu, il serait néanmoins peu honnête de déconsidérer ces résultats car l’expérience a été interrompue par manque de moyen financier.

Le cas de l’agglomération de Dunkerque (200 000 habitants, France)

Engagement de la campagne de 2014 du maire actuel, la gratuité totale des bus, instaurée le 1er septembre 2018, entend répondre à plusieurs défis : d’abord aider le pouvoir d’achat des habitants dont plus du quart des ménages ne possède pas de voiture, enrayer la perte de 1100 résidents par an et redynamiser le centre-ville. Le réseau de bus a été entièrement repensé : extension des lignes, bus à haut niveau de service en sites propres, travaux importants d’aménagement du centre-ville. Après seulement quelques mois, la gratuité et l’augmentation de l’offre ont provoqué un doublement de la fréquentation des bus (plus le week-end, moins en semaine) et 48 % des nouveaux usagers déclarent utiliser moins leur voiture. Les enquêtes montrent que la mesure est particulièrement appréciée par les habitants.

LA GRATUITÉ DES TRANSPORTS PUBLICS RÉPOND A TROIS URGENCES

Les grandes agglomérations sont confrontées aux problèmes de trafic automobile conséquence de l’étalement urbain, lui-même entrainé par la spéculation immobilière, et de l’inadéquation de l’implantation des emplois avec les lieux de résidence. Congestion des infrastructures routières, pollution et émission de gaz à effet de serre (GES), entrainent des coûts économiques énormes pourtant largement ignorés par les partisans du tout-voiture.

L’urgence sanitaire   

Les émissions de gaz polluants et de particules fines dues au trafic routier ont des conséquences désastreuses sur la santé des populations exposées. En France, la pollution serait responsable de 50 000 décès prématurés chaque année.

L’urgence environnementale

Les scientifiques du GIEC nous alertent à chaque rapport : il faut limiter l’élévation de la température de la planète à 1,5 °C afin d’éviter des changements irréversibles. Le trafic routier responsable de 30 % des émissions de GES doit faire l’objet de mesures urgentes de la part des États.

L’urgence sociale

En France, le surgissement des Gilets Jaunes a mis au cœur des revendications sociales, la question des transports, démontrant que le coût des déplacements est une préoccupation, contrairement à ce qu’affirment des opposants à la gratuité. Là où elle existe la gratuité créée un droit à la mobilité et améliore la vie.

Plus de ticket, plus de budget

En France la moitié du financement global des transports publics est assurée par une taxe sur les salaires versée par les administrations et les entreprises de plus de 10 salariés. La part des usagers est en moyenne inférieure à 20 %, le reste est financé par l’impôt. La plupart des déplacements étant liés aux activités économiques concentrées dans les métropoles, cette taxe a augmenté relativement avec les besoins de déplacement. Il est nécessaire de l’augmenter à nouveau pour financer le développement et la gratuité des TC, rendant ainsi la société plus solidaire et soucieuse de son environnement. Rappelons que les transports en commun améliorent aussi la vie de ceux qui ne les prennent pas.

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