Pour ou contre la gratuité ?

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L’Université d’été solidaire et rebelle des mouvements sociaux et citoyens s’est tenue à Grenoble du 22 au 26 août 2018. Pour le collectif Michel Szempruch a énoncé et analysé les arguments généralement avancés par les opposants à la gratuité des transports publics dans un exposé intitulé :

Pourquoi ils sont contre la gratuité des transports publics ?

Organisation de l’article :

0. Introduction

  1. Tout à un prix, le gratuité c’est néfaste, payer c’est donner de la valeur aux choses
  2. Si ce n’est pas payant les gens vont dégrader
  3. Ce n’est pas possible dans le contexte actuel il n’y a pas d’argent – Ça va augmenter les impôts
  4. Si c’est gratuit les usagers ne vont plus rouler en vélo et se déplacer à pied
  5. Le plus juste c’est la tarification sociale
  6. De toutes façons ça n’empêchera pas la pollution
  7. Il faut les recettes commerciales, des recettes équilibrées, pour pouvoir continuer à investir
  8. La gratuité ça va saturer le réseau
  9. Ce n’est pas la priorité, il faut déjà défendre le service public de transport qui est en danger

 

Introduction

Les arguments des détracteurs de la gratuité sont à prendre au sérieux. Tout d’abord parce qu’ils révèlent la pensée des gestionnaires actuels qui malheureusement gèrent. Ensuite parce qu’ils sont diffusés par les dominants auprès de la population qui semble plutôt favorable à l’idée mais ne se mobilise pas encore massivement. Le fatalisme ambiant règne et l’idée que tout changement structurel est impossible aujourd’hui reste prégnante.

Certains arguments sont grossiers et facilement démontables, d’autres plus sérieux méritent d’être débattus et contrés par des réponses consistantes.

L’enjeu est de taille, convaincre et gagner la bataille démocratique de la gratuité. Si un référendum était proposé, une confrontation publique nécessiterait un maximum d’arguments pour ériger la réflexion et la délibération de la population. Nous sommes pour le débat sans caricatures dans les deux sens.

Voilà les propos (non exhaustifs) des anti-gratuité que nous rencontrons fréquemment :

1-  « Tout à un prix, le gratuité c’est néfaste, payer c’est donner de la valeur aux choses »

Mr Bernard Rivalta, ancien Directeur de SYTRAL à Lyon, PS « Tout ce qui est gratuit n’a plus de valeur, c’est d’ailleurs les pays comme l’URSS qui ont coulé, comme on ne sait pas combien ça coûte, on prend, on utilise. Pourquoi on ne ferait pas le litre d’essence gratuit, le vélo gratuit? Pourquoi cibler les transports en commun ? C’est un service comme un autre. Quand vous allez chez le pharmacien, le médecin il faut bien que quelqu’un paye. Directement ou indirectement mais il faut bien que quelqu’un le paye ». 2014 émission France Culture (Le coût du ticket et de la fraude)

 « La gratuité est associée à l’absence de valeur, et par contrecoup, ne force pas le respect. Dans les réseaux qui pratiquent la gratuité, les personnels sont moins bien considérés et les matériels davantage dégradés. » Communiqué FNAUT-UTP 27 janvier 2014

 « Il faut que les gens payent même un peu, c’est un principe de bonne gestion. Toutes les choses ont un prix, rien n’est gratuit » Olivier Finet, Vice président de la CAPV chargé des transports (Pays Voironnais) Les Verts, en 2012 lors d’un débat public.»

 « Le gratuit n’existe pas, il y a toujours quelqu’un qui paye »

Commentaire :

C’est l’argument libéral classique qui remonte à loin. Hayek qui a inspiré les néo libéraux est un des plus radicaux. Seul le prix des choses (marchandisées) est le reflet juste de la réalité économique. Donc tout doit pouvoir se traduire en prix, dans le cadre des relations économiques du seul marché. La gratuité masquerait la réalité du coût réel et encouragerai le déni et l’irresponsabilité du consommateur.

Évidemment tout service à un coût en terme de temps de travail et de matériel. Comme l’école publique ou la santé, l’accès au service est (en principe) gratuit et s’organise en dehors des impératifs du marché.

Nous nous situons dans la perspective d’intégrer les transports publics de proximité dans un nouveau droit (le transport) dans le cadre du service public. Gratuité d’usage, participation financière par l’impôt en fonction de ses ressources. « je paye selon mes moyens et j’utilise selon mes besoins » principe qui régit (encore?) la sécurité sociale ou l’éducation. La gratuité d’usage vaut pour la route et les rues, pourtant entretenues via l’impôt, pourquoi pas les transports en commun ?

En Isère l’accès aux musées est gratuit. Est-ce que la valeur de ces musées à chuté ? Non bien sûr, d’autant que le fonctionnement est déjà payé par nos impôts. Mais l’accès à la culture pour tous fait dans ce cas plus consensus.

Nous sommes pour une gratuité sélective avec entre autre des critères écologiques, sanitaires. Comme pour l’eau / ex piscine, le mes-usage.

Comme le souligne la commission européenne, il y a urgence donc la nécessité d’agir fortement contre la pollution.

2- « Si ce n’est pas payant les gens vont dégrader »

« Un des risques de la généralisation de la gratuité d’un réseau est le peu de considération des usagers (ils ne sont plus clients) pour le réseau de transports. Il a été constaté des dégradations des services du fait d’un moindre respect du réseau, du peu de considération vis-à-vis des chauffeurs et des véhicules. Les actes de malveillance ont augmenté, la relation entre le personnel du réseau et les utilisateurs s’esr dégradé » « Autre aspect négatif, la gratuité donne l’impression que le transport ne coûte rien » FNAUT

Commentaire :

C’est un avis souvent émis par les personnels conducteurs et leurs syndicats.

Les enquêtes publiques montrent l’attachement des français à l’hôpital public et à la gratuité des soins dans le cadre de la sécurité sociale. Attachement pragmatique. Mais il faut aussi une pédagogie et une éducation au bien commun pour se désintoxiquer de la culture libérale.

L’équipe d’Aubagne a dû faire un important travail de concertation et de pédagogie pour convaincre les syndicats de la mise en place de la gratuité. L’étude réalisée à Aubagne à démontré qu’il n’y avait pas plus, voire moins de dégradations. Au delà des incivilités ordinaires, il est essentiel dans une société individualiste et consumériste, de mener un travail éducatif et de réappropriation du bien commun.

Étude ADEME : contrasté en fonction des villes / Étude Dunkerque : -59% des incivilités

3- « Ce n’est pas possible dans le contexte actuel il n’y a pas d’argent » « Ça va augmenter les impôts »

« La taxe transport est déjà au maximum, pas de nouvelles sources de financement ». « Ça va encore augmenter les impôts ».

 «Les finances locales sont très contraintes (Communiqué FNAUT-UTP 27 janvier 2014). Les dotations de l’État aux collectivités sont gelées jusqu’en 2016 et les acteurs publics locaux sont dans une phase de réduction de leurs coûts : ils ne peuvent pas financer davantage les réseaux de transport public. Pourtant, la demande de transport continue d’augmenter : le trafic a progressé de 4 % en 2012 et de 3% en 2013. »

 «La gratuité totale n’est pas compatible avec l’évolution contrainte des finances publiques (2014 FNAUT-UTP) Avec le ralentissement du produit du versement transport, ce sont les budgets des autorités organisatrices urbaines qui vont être davantage mis â contribution pour financer l’offre de transport public. Or, ces budgets souffrent de la baisse des dotations de l’État aux collectivités locales et du tassement des revenus de la fiscalité. Les priver des recettes de la clientèle signifie que le financement du réseau repose exclusivement sur la fiscalité locale. L’UTP et la FNAUT estiment que le budget des collectivités locales doit permettre de garantir un transport public de qualité, ce qu’il peut difficilement assumer seul, notamment en période de crise économique. »  

« Si le voyageur paie moins, le contribuable paie davantage (Communiqué FNAUT-UTP 27 janvier 2014). L’exploitation du transport public est financée par trois sources : le versement transport dû par toutes les entreprises et administrations de plus de neuf salariés, la vente de titres aux voyageurs et les subventions des collectivités locales, via les impôts locaux. Compte-tenu de son plafonnement et d’une conjoncture économique défavorable à la création d’emplois, le versement transport est figé. Les recettes commerciales (ventes des titres de transport) et les subventions des collectivités locales via les impôts restent donc les deux seuls leviers financiers « modulables ». Si le prix du titre de transport baisse ou si ce titre devient gratuit, le gap financier doit obligatoirement être compensé par une contribution plus importante des collectivités locales, donc par une hausse des impôts. Autrement dit : faire payer moins au voyageur, voire lui offrir des transports gratuits, cela signifie faire payer davantage aux contribuables. Il n’est pas logique que les premiers bénéficiaires d’un service de transport ne contribuent pas à en payer une partie. »

Commentaire :

C’est le discours de la plupart des élus, repris par beaucoup de gens, celui du « réalisme » face aux « utopistes ». Il est toujours désarmant ou énervant de voir comment des élus et experts sont capables d’affirmer l’impossibilité et le réalisme économique quand au même moment on trouve normal d’augmenter le budget militaire en milliards, de ne pas taxer les plus grandes multinationales (google, etc…) de sous taxer le transport routier.

Évidemment de l’argent il y en a, même beaucoup. La question reste celle de la répartition de la richesse et des choix en terme de développement. Le soutien du Medef en Ile-de-France à l’augmentation de la Taxe transport au delà du taux maximum montre que bien que rien n’est figé. Nous sommes pour une augmentation de la taxe transport proportionnelle à la taille de l’entreprise et à un investissement massif et une participation de l’État et de l’Europe. Augmenter l’impôt peut être bénéfique à la collectivité, et réduire les inégalités.

4-Si c’est gratuit les usagers ne vont plus rouler en vélo et se déplacer à pied

Frédéric Héran, économiste spécialiste des transports, maître de conférences à l’université Lille 1, estime que la gratuité des transports en commun n’est pas souhaitable : « C’est une mesure incohérente (…) qui va avoir forcément des incidences sur toute la politique de déplacement de la ville de Paris ou des villes qui décident de cette mesure. Qui seront les nouveaux usagers des transports publics ? Et bien ce seront d’abord, toutes les études le montrent, des cyclistes, ensuite des piétons et très peu d’automobilistes. C’est ce que l’on constate. Cela veut dire clairement que cette mesure est une mesure anti cyclistes, anti piétons et très peu défavorable finalement à la voiture. »

« Bref, la gratuité des transports publics semble être une solution démocratique, voire même anticapitaliste. Mais de façon plus pragmatique, elle empêche ou freine l’essor des modes actifs et notamment du vélo, et contraint les habitants à dépendre toujours plus de solutions techniques qui les dépassent. Si l’on tient à se libérer de l’emprise de la voiture, alors privilégions d’abord les piétons, puis les cyclistes et enfin les transports publics. Et pour cela, la meilleure solution consiste à calmer le trafic automobile, sa vitesse et son volume. C’est ce que nous enseigne l’histoire européenne des politiques de déplacements urbains. » Frédérique Héran article dans carfree 2015

« On doit s’interroger aussi sur la bonne affectation de cette gratuité.Car dans le cas d’une gratuité complète pour l’usager, l’encouragement aux pratiques des transports publics se fait au détriment de la marche et du vélo. Cela vaut tant pour l’usager qui préfèrera alors un transport gratuit à un effort physique, que pour la collectivité qui distraira vers les transports publics des investissements nécessaires pour encourager ces modes actifs urbains-typiques de l’urbanité et essentiel à de bonnes conditions physiques des citadins. On s’avise aujourd’hui que les modes motorisés fabriques l’obésité qui nous cerne et que son intensité se corrèle avec la faible pratique des modes actifs ( vélo et marche). Avec la gratuité complète pour le client, on obtient alors l’exact inverse de ce qu’on recherche » Bruno Marzloff, sociologue et animateur du groupe Chronos, In Rue 89.

A Fontaine en 2017, lors d’un débat à la Fête du travailleur Alpin,  Mr Mongaburu, vice président du Département de l’Isère, Pt du SMTC, EELV,  développait le même propos.

 « Ca encourage le consumérisme de service public » Argument mis en avant par le Maire de Grenoble Eric Piolle, EELV, lors de la grève des bibliothécaires en 2017. « Les gens vont construire loin quand le tram est gratuit, risque d’étalement des agglomérations » Un décroissant »

Commentaire :

On retrouve là une vision assez paternaliste, hygiéniste et méprisante des classes populaires. C’est  le point de vue de personnes des classes moyennes supérieures, en bonne santé, qui ont un revenu confortable, qui achètent bio, peuvent rouler en vélo

Qui pensent que tout le monde doit se mettre au vélo et faire des efforts mais qui ne pense pas aux personnes âgées, aux pauvres sans voitures, aux personnes porteuses de handicap, aux parents qui travaillent.

Certains « savent » ce qui est bon pour le peuple, pour sa santé. Par contre s’affronter aux lobby pour sortir du tout voiture reste bien souvent dans le champ du discours. Bien des élus libéraux dont les Verts, restent hostiles idéologiquement à la socialisation de secteurs de l’économie et à la gratuité. Défendre les services publics mais surtout les étendre, frise le péché collectiviste.

L’argument du consumérisme est de la malhonnêteté intellectuelle pure, quand on tolère le gaspillage généralisé inhérent au capitalisme. Avec cette idée reçue du populot irresponsable et gaspilleur. Cependant le débat avec les décroissant est intéressant car il est juste de repenser notre rapport à l’espace et au temps. Nous sommes pour ne plus construire autour des villes, et continuer d’entamer les zones agricoles et naturelles.

Par contre la bonne question posée est le report modal de l’automobiliste vers le vélo et le transport en commun. Là encore nous avons une vision globale qui intègre le maximum d’alternatives, la gratuité mettant l’accès sur une réponse structurelle accessible à tous. La réduction massive de la voiture et des camions longues distances doit être une priorité structurelle, rendue possible par la généralisation des transport collectifs, le ferroutage.

A Aubagne 35% des automobilistes ont laissé leur voiture. Exemple au CEA et à ST Microelectronics. Les PDE ont permis de passer à 38% au transport en commun  (voiture 32%) et vélo 20% avec prise en charge à 85% des billets.

5-  « Le plus juste c’est la tarification sociale »

 « La solution : une tarification sociale et solidaire ambitieuse ». « les associations de transports (Gart, UTP, Fnaut, ADTC) s’opposent à la gratuité totale des transports publics, considérant que celle-ci doit relever de la politique de tarification sociale des AOTU. Ainsi, la gratuité doit être considérée comme une aide sociale pour les plus populations les plus démunies.

Dans l’agglomération grenobloise, une tarification sociale et solidaire a été mise en place par le SMTC en 2010, prenant en compte le niveau de revenus des usagers plutôt que le statut. » Michel Gilbert, ancien élu à la ville de Grenoble.

 « Dix raisons de proposer une tarification solidaire des transports urbains et de ne pas céder aux sirènes de la gratuité (Communiqué FNAUT-UTP du 27 janvier 2014)

Depuis toujours, l’UTP et la FNAUT sont favorables à une tarification des transports publics urbains adaptée à la situation des voyageurs et en particulier à une tarification solidaire. Mieux vaut pratiquer des tarifs modérés et adaptés à un objectif social, qui évoluent avec l’inflation et peuvent être revus en fonction du développement de l’offre, plutôt que de pratiquer une gratuité difficilement réversible, dommageable tant aux entreprises de transport et aux collectivités locales qu’aux voyageurs. »

Commentaire :

Nous sommes pour le même principe que la sécurité sociale, en considérant que la transport devrait relever d’un nouveau droit. Avec l’argument écologique et sanitaire qui nous pousse à agir et généraliser rapidement.

Les associations de chômeurs et précaires nous interpellent souvent pour souligner l’humiliation de « quémander » , « négocier » ces tarifications. Sans parler du coût de cette gestion.

6- « De toutes façons ça n’empêchera pas la pollution »

Commentaire :

Cette formule populaire entendue dans la rue, reflète cette idée fataliste que le comportement vertueux est illusoire face au comportement de la majorité. Nous ne pensons pas que la gratuité seule résoudra la totalité des problèmes, mais elle peut faire effet de levier, être une alternative pour éviter de dériver sur le terrain de la contrainte et de la culpabilisation individuelle telle qu’elle se pratique avec les vignettes et les taxes à l’entrée des villes.

Cependant nous ne ferons pas l’économie d’une politique de rupture en matière de transport, notamment des marchandises, des travailleurs et de l’urbanisation.

7- Il faut les recettes commerciales, des recettes équilibrées, pour pouvoir continuer à investir

« Aujourd’hui, ce n’est pas la motivation économique qui conduit quelqu’un qui prend sa voiture à demain renoncer à sa voiture, pour prendre éventuellement les transports en commun » assure Claude Faucher, délégué général de l’UTP (Union des transports publics et ferroviaires).

« Ce qui fonde le report modal [report du trafic de passagers d’un mode de transport, vers un autre plus respectueux de l’environnement – NDLR], c’est la qualité de services dans les transports, qui permet au voyageur d’être assuré d’un temps de trajet toujours plus rapide, toujours plus fiable, que l’usage de sa voiture individuelle » dit-il. Au fond, Claude Faucher craint que la gratuité totale des transports entraîne une dégradation de sa qualité, faute de moyens financiers. « Qu’il puisse y avoir une gratuité pour les usagers les plus en difficultés financièrement, dans le cadre d’une tarification solidaire, cela peut se justifier. En revanche, la gratuité totale pour tous les usagers, nous paraît conduire à priver les transports de ressources qui sont utiles et nécessaires à leur développement » explique-t-il.

Certains craignent un effondrement de la qualité de l’offre sur le long terme à cause d’un manque de recettes et d’investissements dans le réseau. Dans les colonnes du Figaro, Bruno Gazeau, président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT), affiche son scepticisme : “Les collectivités qui mettent en place la gratuité disent toutes ‘on va moderniser’ le réseau. C’est vrai, sauf qu’au bout de cinq ans, quand il faut renouveler le matériel, elles disent ‘on a déjà donné beaucoup, on ne peut pas donner plus’”. Libération rappelle d’ailleurs que “pour améliorer le confort, la sécurité ou encore la fréquence des passages, il faut des financements… dont se priveraient les villes qui passent au gratuit”.

Note : C’est un argument qui est souvent mis en avant notamment par les organisations syndicales des sociétés de transports.

« Ca va baisser la qualité de l’offre ». Certains craignent un effondrement de la qualité de l’offre sur le long terme à cause d’un manque de recettes et d’investissements dans le réseau. Dans les colonnes du Figaro, Bruno Gazeau, président de la Fédération nationale des associations d’usagers des transports (FNAUT), affiche son scepticisme : “Les collectivités qui mettent en place la gratuité disent toutes ‘on va moderniser’ le réseau. C’est vrai, sauf qu’au bout de cinq ans, quand il faut renouveler le matériel, elles disent ‘on a déjà donné beaucoup, on ne peut pas donner plus’”. Libération rappelle d’ailleurs que “pour améliorer le confort, la sécurité ou encore la fréquence des passages, il faut des financements… dont se priveraient les villes qui passent au gratuit”.

«La gratuité totale n’est pas favorable au développement de l’offre de transport public (FNAUT-UTP). L’évolution des modes de vie tend naturellement â faire progresser la demande de transport public. Celle-ci se traduit par des besoins en termes de confort, de sécurité, de fréquences, d’amplitudes horaires, d’informations voyageurs et d’accessibilité croissants. Il faut mobiliser chaque année de plus en plus de moyens pour financer le service et investir dans son développement. Or la gratuité réduit les marges de manoeuvre pour le faire évoluer durablement. L’UTP et la FNAUT considèrent que la gratuité des transports publics limite la progression de l’offre du point de vue quantitatif (fréquences, amplitudes, maillage) et qualitatif (services aux voyageurs, conditions de voyage). »

Commentaire :

Il est certain que la défense et l’extension des moyens pour le développement des réseaux sont prioritaires. Dans un cadre contraint il est logique de défendre toutes les sources de financement. Mais si on se décale un peu et envisage une autre équation de financement, d’autres perspectives sont envisageables. Il est certain que la contestation des politiques libérales actuelles et la défense des moyens publics sont la condition d’une autre politique.

 8– La gratuité ça va saturer le réseau

Article d’Alexandre Turpyn dans Polemik « La gratuité peut entraîner une saturation du réseau. Il faut donc que les infrastructures de transport public soient capables d’absorber une augmentation conséquente de la fréquentation. C’est une des raisons pour lesquelles, en Île-de-France, la gratuité des transports est “a priori impensable”, selon une enquête réalisée par le Cabinet de Conseil Sia Partners en février 2015. La participation des usagers dans le financement du réseau francilien est trop élevée, et les infrastructures sont très coûteuses à entretenir et développer. 

Une conclusion partagée par Yves Crozet, économiste des transports à l’université de Lyon. Dans La Tribune, le spécialiste explique : “quand il y a de gros investissements à faire, la recette commerciale est indispensable. Sinon il n’est pas possible de développer son réseau”.

« Ca va encourager les populations des quartiers périphériques à venir massivement dans les centres villes »

Commentaire :

Nous voulons une réduction massive et un transfert modal structurel de l’usage de la voiture individuel ( pour les déplacement domicile/travail régulier) vers le transport collectif. Pour les transports de marchandises revenir (évoluer) vers le transport ferroviaire. L’enjeu est un déplacement des moyens publics et privés vers d’autres pratiques.

Un grand plan de développement sera nécessaire pour investir et accompagner l’augmentation du trafic. Pour nous gratuité ne doit pas rimer avec un réseau peau de chagrin et mal desservi. Bien au contraire. On en revient toujours aux moyens à mobiliser qui devront être à la hauteur des enjeux.

Concernant la peur des quartiers périphériques, c’est une vision classique des classes aisées des centres villes qui refuse la mixité sociale. Les transports gratuits contribuent au développement d’une société sans ghetto. L’expérience d’Aubagne est éloquente sur ce point.

9- Ce n’est pas la priorité, il faut déjà défendre le service public de transport qui est en danger

Mr Ferrari Président de la Métropole lors de la rencontre avec le collectif en juillet 2018 : « Une demande de déplafonnement du versement transport (VT) a été votée à l’unanimité aux Assises de la Mobilité, en septembre 2017. Mais aujourd’hui le gouvernement remet en cause le montant du VT alors qu’il représente 60% du financement du SMTC. Au sein du GART (Groupement des autorités responsables de transport), nous revendiquons, la libre détermination des collectivités locales.  Il est légitime de poser la question d’une contribution plus forte des grands groupes industriels, qui profitent des services publics et des infrastructures. »

Michel Gilbert : « Le droit à la mobilité est-il si essentiel ? N’y a-t’il pas des besoins plus fondamentaux, comme boire, manger, se loger ? Pourquoi commencer par les transports ? ET pour être équitable, il faudrait aussi assurer la gratuité des vélos et des … chaussures »

Commentaire :

Nous sommes bien sûr mobilisés avec les associations, syndicats et élus sur la défense du service public de transport. Cependant l’urgence climatique, sanitaire et sociale nous incitent à prendre des mesures fortes comme la gratuité pour avancer. Le projet autour de la gratuité est sociétal et les réserves « réalistes » des élus gestionnaires est un grand classique pour ne pas bousculer les « équilibres » actuels.

Nous sommes globalement pour étendre les sphères de gratuité dans la société et réduire celles dominées par le marché dans les secteurs qui relèvent du bien commun. C’est aux populations de pouvoir en discuter et arbitrer les priorités.

 

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