Les opposants à la gratuité font régulièrement référence à la tarification solidaire, qui serait préférable. À plusieurs reprises, le président du SMTC a usé de l’argument qu’il n’y a pas de raison que le cadre qui gagne 5000 € par mois ne paie pas plus qu’une personne à bas revenus.
Regardons de près ce qu’il en est. Sur le site de l’observatoire des inégalités [[Qui gagne combien ? Le paysage des revenus en France, 2011]], il y a des chiffres très intéressants, puisqu’il faut parler chiffres ! En résumé, les personnes ayant un revenu supérieur à 4500 € représentent moins de 5% de la population. Ils ne représentent donc rien dans les recettes du SMTC, à supposer que cette population prenne massivement les transports en commun.
50% de la population est à moins de 1700 €, donc forcément la tarification solidaire ne peut aller bien au-delà de ce revenu. Si on raisonne en termes de ménages, c’est encore pire puisque 50% est à 2350 € pour toute une famille, donc beaucoup moins en termes de QF. Si on essaie de voir le revenu moyen par personne, 50% est en-dessous de 1580 € en 2008.
En fait, la référence au cadre qui gagne 5000 € par mois est vraiment hors de propos. Il est très probable que le fameux cadre à 5000 € travaille dans une entreprise ayant souscrit un PDE et paie nettement moins que 50% du prix de l’abonnement (STMicroelectronics Grenoble paie 80% de l’abonnement), et donc paie moins qu’une personne à bas revenus ! La gratuité devient pour le coup un moyen de rétablir l’égalité sociale qui est rompue ici.
Par ailleurs, le bilan 2013 des PDE montre qu’en 5 ans la part de la voiture dans les entreprises ayant un PDE est passée de 61% à 46%, soit 15% de moins. Le coût des transports a bien une efficacité dans l’utilisation des transports en commun. La gratuité, jointe à une offre de qualité, c’est la mesure la plus efficace pour amener à une utilisation forte des transports publics.
Le financement est une vraie question, et il serait absurde de le nier.
Il ne sera pas possible d’aller très loin si on en reste aux seuls usagers pour financer la gratuité des transports en commun, car les politiques d’austérité font que ceux-ci subissent des reculs sociaux importants et ne peuvent pas financer de nouveaux droits, même solidaires.
Il faut s’intéresser aux entreprises qui sont créatrices de richesses. D’après Standard&Poors le PIB par habitant dans l’agglomération s’élevait à 30000 € en 2011. D’après la chambre de commerce et d’industrie de Grenoble, le PIB de l’Isère représente 20% de celui de la région Rhône-Alpes qui en 2012 à s’élevait à 200 milliards €. Pour la région Grenobloise la richesse créée serait autour de 25 milliards € [Source : [CCI]]. Ces chiffres sont à affiner, mais ils signifient que déplacer 2 pour mille du PIB de l’agglomération suffit à dégager 50 millions d’€, c’est-à-dire largement de quoi financer la gratuité des transports publics, et étoffer l’offre.
Il ne serait pas absurde politiquement de demander aux entreprises et en particulier les plus grandes d’augmenter leur contribution. D’une part, elles ont intérêt à un système de transports efficaces, à réduire le temps passé dans les bouchons, à limiter les pics de pollution. D’autre part, beaucoup de grandes entreprises ont réalisé des PDE, et donc elles économiseraient ce budget avec la gratuité des transports publics.
Pour une grande part, la métropole correspond aussi à des choix politiques et économiques, dont le plus emblématique est Giant. Ces choix entraînent des besoins nouveaux en matière de déplacement. Il serait logique que la législation s’adapte aux réalités induites par l’émergence des métropoles, et permette d’aller au-delà des 2% pour des agglomérations de grande taille. S’il y a accord des instances politiques, des représentants du patronat, des syndicats, etc., il sera possible de l’acter en légiférant, comme cela a été fait pour l’île de France.
En conclusion, la gratuité est avant tout une question de volonté politique. Si notre société n’est pas capable de déplacer 2 pour mille de son PIB pour favoriser les transports en commun, alors il est inutile d’accueillir la conférence climat à Paris. Les changements à opérer pour diviser par deux le bilan carbone de la France sont d’une tout autre ampleur, et appelleront de toute façon à la mise en place de nouvelles obligations légales. La gratuité des transports publics est une façon de répondre aux urgences climatiques, sanitaire et économiques en créant un nouveau droit, à même de susciter l’adhésion de la population.